I. Situation
Au XIIIème siècle, la petite ville de Montbron, à cinq lieues d’Angoulême, est située à l’intérieur du territoire délimité par la Tardoire et les paroisses d’Ecuras, de Rouzède, de Mazerolles et d’Orgedeuil. En effet, la Tardoire dessine une grande courbe au nord. Elle contourne Montbron par un large méandre créant une grande plaine alluviale, riche en sites occupés durant les temps paléolithiques. La ville s’est développée en rive gauche de la rivière. La rive droite reste très rurale et marque aujourd’hui les limites de la commune.
Le site, proprement dit, de Montbron a été établi sur un éperon rocheux qui domine la vallée de la Tardoire. C’est un plateau dont l’altitude est comprise entre 130 mètres et 147 mètres.
La cité est ouverte par la vallée de la Tardoire, mais la rivière constitue un obstacle naturel ainsi que le mamelon rocailleux. La facilité de mise en défense du site a été propice à l’installation de la ville sur ce tertre. De là, cette éminence permet le contrôle de la traversée de la rivière par le Pont-en-Roux. Cette position n’a pas d’autre sens. Montbron ne bénéficie pas d’une rivière navigable. Elle n’est pas un carrefour routier important. Elle est repoussée à l’Est de la Charente, relativement loin de la cité comtale d’Angoulême. Cette position très orientale permettait, possiblement, d’avoir un pied dans le Limousin et dans le Périgord.
II. Les origines
La légende veut que Montbron tire son nom d’un certain Berulphus, fidèle de Chilpéric (561-584). Chilpéric, en 567, à la mort du roi Caribert, hérita de cinq territoires en Aquitaine et notamment le Limousin. Il aurait envoyé Berulphus, dans le Limousin, sur la zone frontière face à l’Angoumois, pour une occupation et une surveillance des environs. Sur les lieux, Berulphus aurait suivi le cours de la Tardoire jusque dans le Montbronnais et aurait découvert un promontoire dominant la région. Il l’aurait alors choisi pour y établir un poste de surveillance qui commanderait la vallée. Il serait le premier occupant ou le premier propriétaire de la ville et Montbron ou Mons Berulphi serait donc le mont ou la colline de Berulphus.
Cependant, la ville semble plutôt être une création du Xe siècle ou du XIe siècle. Robert de Montbron est connu dès 1020-1028. La seigneurie est attestée avec Robert de Montbron en 1120. Elle est peut-être plus ancienne si les Montbron sont les petits-fils du comte d’Angoulême Audouin II (1028-1031), que Guillaume de Montbron fut évêque de Périgueux entre 1059 et 1081. L’auteur du lignage serait peut-être Robert, laicus, qui apparaît dès 988. Ce dernier aurait pu se fixer sur l’emplacement actuel de la ville. La ville serait donc, hypothétiquement, le fait de l’implantation de ce Robert, à la fin du Xe siècle ou au début du XIe siècle.
Il est possible que l’installation à Montbron de ce Robert soit le fait de l’éclatement du ban au XIe siècle et du peu de contrôle du comte d’Angoulême sur ce seigneur. Ce phénomène se traduirait par l’édification d’une motte. F. Marvaud l’a décrite comme une masse de terre posée sur des rochers, d’où l’on pouvait voir au loin les monuments de l’ennemi. L’abbé Michon évoque un tumulus placé presque dans l’enceinte du château de Montbron, qui pourrait bien être qu’une motte féodale. Elle sera probablement abandonnée au XIe ou au XIIe siècle au profit du château ; ce dernier étant cité au XIIe siècle.
Il est intéressant de préciser l’organisation administrative en Angoumois, aux IXe et Xe siècles, avant l’apparition des Montbron dans l’espace public. Le Montbronnais serait vide de vigueries, les circonscriptions judiciaires carolingiennes, car ce territoire pourrait coïncider avec les terres immunistes de l’évêque d’Angoulême. L’évêque d’Angoulême aurait reçu du roi un acte d’immunité qui l’exempte de la contrainte des agents royaux, les comtes. La détérioration de la situation des territoires immunistes, avant le début du XIe siècle, aurait créé des pouvoirs extérieurs à la puissance de l’évêque et du comte, et non contrôlés par eux. Des seigneurs châtelains viennent s’installer, notamment à Montbron. L’hypothèse qu’ils auraient usurpé des territoires à l’évêque d’Angoulême, peut être posée.
La famille originelle des Montbron tient la seigneurie jusqu’en 1471, avec, tout de même, de courtes éclipses, notamment sous les dominations anglaises entre 1380 et 1420. La branche ainée de la famille de Montbron ne disparaît, cependant, qu’en 1598, à la mort de Jacquette de Montbron, héritière de son frère aîné, René de Montbron, baron d’Archiac. Elle avait épousé Jacques de Bourdeille, baron de La Tour Blanche.
Les seigneurs de Montbron ont des liens étroits, en Angoumois, avec les seigneurs de Marthon et La Rochefoucauld. En effet, Marthon semblerait bien n’être qu’un démembrement de Montbron. En 1060-1075, Audoin Borrel y intervient avant son frère Hugues de Marthon. Et par la suite, Robert de Marthon, fils d’Hugues de Marthon, a épousé Emma, fille d’Adémar de La Rochefoucauld. Il faut noter également la filiation avec les seigneurs de Chabanais.
La châtellenie de Montbron est attestée à partir du XIIe siècle. Au XIIIe siècle, le Livre des Fiefs de Guillaume de Blaye contient l’aveu de vassalité des Montbron et le dénombrement des biens composant leur fief. Il permet ainsi, de dresser un état des biens de la châtellenie de Montbron au XIIIe siècle ; plus de cinquante noms de lieux justifiant un hommage à l’évêque sont relevés. Le patrimoine du lignage s’étend, principalement, sur ce qui fut au XIIIe siècle, le territoire entre Montbron, Angoulême, La Rochefoucauld et Montemboeuf.
III. Les principaux monuments médiévaux
A. Le château
Le château se trouve en limite sud-ouest du centre-bourg actuel de Montbron, sur le bord du plateau dominant la vallée de la Tardoire, en dehors des flux actuels de circulation. Il épouse la topographie naturelle de l’éperon rocheux.
La présence du château à Montbron est attestée au XIIe siècle. Il aurait été construit avant 1130, par Robert IV de Montbron, dominus. Sa salle basse voûtée en petit appareil allongé est situable autour de 1100.
Jusqu’au XVe siècle, il n’y a aucune information précise sur les possibles évolutions du château. Pendant la guerre de Cent Ans, la possession du château a été souvent disputée. En 1418, la place et forteresse de Montbron étaient aux mains des Anglais. Dès 1422, le château est remis sous l’obéissance de Charles VII, roi de France. Ces vicissitudes auraient conduit Charles VII à demander la destruction du château pour éviter qu’il ne retourne aux mains des Anglais.
Son château détruit et ruiné par la guerre de Cent Ans, François II de Montbron, seigneur de Matha et de Maulévrier, vicomte d’Aulnay et Eustache de Montbron, chevalier, son fils, sont contraints de vendre, en 1471, à Marguerite de Rohan, comtesse d’Angoulême, veuve du seigneur Jean d’Orléans la ville, chastel, baronnie et seigneurie de Montbron et ses appartenances pour la somme de dix mille écus, ayant pour cours vingt-sept sous six deniers tournois la pièce à l’exception toutefois des domaines qui faisaient primitivement partie de la châtellenie mais qui sont sortis par alliances et successions.
Marguerite de Rohan aurait alors fait construire, dès 1472, le château actuel. Il s’agit d’un bâtiment à peu près rectangulaire à deux étages, couvert d’un toit à deux pentes et percé de hautes fenêtres. Un décrochement de 0,90 m sur la façade sud-est rend irrégulier ce rectangle. Au sud-ouest, un logis du XVe siècle a été accolé. Le côté nord-ouest est flanqué d’une tour octogonale du XVe siècle avec une porte à accolade à sa base et occupée par un escalier à vis, dont le noyau était, à l’origine en bois. L’aspect extérieur du château n’a plus rien de défensif.
Ce sont les écrits du XVIIIe siècle qui donnent des informations appréciables sur la fonction des espaces du château. Ainsi, après la Révolution, au moment de l’adjudication du château comme bien national, le 24 nivôse de l’an II, le château était composé d’une cave, d’une cuisine, d’une salle, de quatre chambres hautes, de deux cabinets, d’un grenier, d’écuries, de granges, d’un logement de concierge, de prisons, de deux cachots, d’une cour, d’un jardin.
B. L’enceinte urbaine
Il ne reste, aujourd’hui, pratiquement rien des fortifications urbaines de Montbron. L’enceinte ne survivra pas aux phases d’urbanisation suivantes, à l’exception d’un fragment en moellons irréguliers qui subsiste au sud, entre le château et la fontaine Saint-Anthoine. Les vestiges se composent de l’enceinte principale, et en avant, d’un second rempart peu élevé. Ce dernier a été probablement aménagé au niveau de l’escarpe du fossé afin de surélevé celui-ci et de protéger la base de la muraille principale. Il s’agit, hypothétiquement, d’une fausse-braie. Les postulats d’une lice ou d’un chemin à canons peuvent être également avancés.
Cinq portes complétées par, possiblement, une poterne s’ouvraient dans l’enceinte. Parmi les portes de la ville, il faut compter les portes de la Cahue, des Brebines, de la Basse-Ville, du Prestin, de Fer.
C. Le prieuré Saint-Maurice
Le prieuré Saint-Maurice aurait été fondé au XIe siècle par un seigneur du lieu. Il existe, en effet, dès la fin du XIe siècle, puisque déjà, Guillaume de Montbron, évêque de Périgueux (1059-1081), mort en 1081, y fut inhumé. Le prieuré dépendrait de l’abbaye de Cluny. L’acte de fondation du prieuré, précise que celui-ci devait comprendre six religieux chargés de célébrer deux messes conventuelles par jour et de distribuer des aumônes aux pauvres de la paroisse, de la Saint Michel à la Saint Jean-Baptiste, c’est-à-dire du 29 septembre au 24 juin.
La conventualité aurait été interrompue par les guerres de Religion, à la fin du XVIe siècle ; le prieuré est en grande partie détruit en 1577, lors de la mise à sac de la ville par les bandes du sieur de Ruffec. Après ces troubles, le prieuré conserve néanmoins son enclos à hauts murs, dont l’un d’entre eux a conservé son crénelage. Le logis prieural aurait été très important. Mais, en 1749, il ne reste plus qu’une chambre basse et haute, son grenier, écurie, greniers à foin, cour, avant cour et jardin.
Actuellement, du prieuré, il ne reste, à l’exception de l’église, qu’une grande demeure rénovée possédant encore quelques dépendances. Le mur sud de l’église présente, toutefois, un réel intérêt. Il offre à l’archéologue une série de monuments funéraires, situés sous l’ancien cloître.
Seul vestige du prieuré, l’église, dédiée à l’honneur de Saint-Maurice, était composée en 1749, de trois chapelles, sacristie, clocher et cimetière.
D. L’église Saint-Pierre
La date de fondation de l’église Saint-Pierre reste inconnue. Il est possible que son édification intervienne simultanément ou postérieurement à la construction du château, c’est-à-dire au cours du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle. Elle dépend de la paroisse du même nom, mais serait englobée dans la cure de Saint-Maurice. Pillée et endommagée lors de la révolution de 1789, l’église subsistera, néanmoins, dans le tissu urbain jusqu’au XIXe siècle.
Un clocher-poche quadrangulaire à haute flèche la caractérise. Ce clocher semble s’ouvrir dans la cour du château. Il fera l’objet de réparations, au milieu du XVIIe siècle, à la demande du comte de Brienne. Un papier d’experts sur l’estimation des travaux à y faire le prouve. Ce document précise également la position de l’église, dans l’enceinte et basse cour du château. En 1749, l’arpentage de la ville et paroisse de Montbron ajoute, de surcroît, qu’elle tenait de toutes parts à l’enceinte du château.
E. L’aumônerie Notre-Dame-du-Bon-Secours (ou chapelle des lépreux)
Elle daterait du XIe siècle et aurait été construite grâce aux donations de l’évêché d’Angoulême. Sous le patronage de l’évêque d’Angoulême, l’aumônerie pourrait dépendre du prieuré Saint-Maurice ; elle daterait de la fondation même de ce prieuré, au XIe siècle. Un chemin permet d’ailleurs le déplacement entre le prieuré et l’aumônerie.
Seule la chapelle de l’aumônerie subsiste, encore aujourd’hui, au milieu d’anciennes dépendances passées à des particuliers. La chapelle est un bâtiment rectangulaire, d’environ 100m² recouvert de tuiles rouges et surmonté d’un clocheton pyramidal recouvert, quant à lui, d’ardoises. L’accès à la chapelle se fait par un porche formant abri. A droite et à gauche de la porte d’entrée, le mur est ajouré par de fines colonnes galbées qui laissent passer le jour, de telle sorte que les fidèles, retenus sous le porche, peuvent voir l’intérieur de la chapelle et suivre l’office religieux. Tout autour de la chapelle s’étendrait le cimetière de l’aumônerie. A. Gauguié a fait une description surprenante de la chapelle. Les murs sont nus. Le pavé tout entier de la chapelle se compose de pierres tombales recouvrant les restes d’artisans de Montbron ensevelis dans cette enceinte. Les instruments de métiers gravés sur ces dalles indiquent la profession du mort. Des pierres en calcaire dur servent toujours de pavement au narthex ; celles de l’intérieur ont disparu. La chapelle aurait été reconstruite au XVIIe siècle.
L’aumônerie Notre-Dame-du-Bon-Secours a toujours été assimilée à une léproserie, sans doute à cause de sa position, hors les murs, à l’extrémité du vaste champ de foire de la Cahue. En effet, les lépreux faisaient l’objet d’une ségrégation qui s’exprimait, entre autres, par la résidence à l’écart des agglomérations pour éviter les contacts directs ou indirects avec le malade. Les malades, une fois reconnus lépreux, devaient quitter la société.
F. La fontaine Saint-Anthoine
Les fontaines étaient l’occasion, au Moyen Âge, d’associer le culte des saints au culte de l’eau. Leurs eaux étaient dotées d’une action miraculeuse, et pouvaient remplacer la médecine.
A Montbron, la fontaine, située au sud-est, hors les murs de la ville, près d’une poterne, est dédiée à saint Anthoine. Concernant son origine, la source, descendant sans doute du coteau, aurait un pouvoir de guérison, c’est-à-dire une eau sainte et curative. La fontaine Saint-Anthoine de Montbron aurait des eaux bienfaisantes ; elle dissiperait les verrues. Un double escalier permet l’accès au bassin ; des lavements pouvaient y être effectués.
G. Les structures commerciales et artisanales
Il existait une foire tous les quatrièmes lundy de chaque mois, une autre aux Rois, une autre le samedy gras, une autre d’octave et une autre le jour des morts. Bien que les marchés aient été fondés, notamment aux halles, au minage, au champ de foire de la Cahue ou au marché aux bœufs, près de l’aumônerie Notre-Dame-du-Bon-Secours, ils ne subsistent plus en 1749.
Grand bâtiment rectangulaire en bois, la halle soutenue de seize piliers tenant à la Grande Rue et à la rue du Minage appartenait au comte de Montbron. Les halles sont citées, assez tardivement, au XVIe siècle. En effet, Marsaud Bouchelot a été condamné, en 1566, à être pendu et étranglé, pour réparation de ses excès, larcins, et voleries, par le sénéchal du lieu, au service d’Anne de Montmorency. Cette sentence fut cassée par un arrêt du Parlement de Paris ordonnant que Marsaud Bouchelot serait battu et fustigé de verges et banni l’espace de trois ans de la sénéchaussée de Montbron et, en outre, que le présent arrêt serait lu au siège de Montbron à jour des plaids ordinaires, iceux tenants. L’acte de publication fait à Montbron à fin d’exemplaire les plaids ordinaires se tenait en la halle dudit lieu, à l’heure de plein marché. La halle est ici citée dans des conditions particulières.
La région de Montbron disposait, au XIXe siècle, de 6013 hectares de terres labourables, souvent non closes, de toutes qualités. Un siècle plus tôt, en 1714, Montbron rendait 301 boisseaux de froment, 482 d’avoine et de 296 de seigle.
A proximité du château, le minage, bâtiment carré, dépendait des seigneurs de Montbron. Sur les ventes organisées, ceux-ci pouvaient tirer quelques revenus. Ce bâtiment détruit, le minage est déplacé dans les anciennes prisons. Cette nouvelle structure servira donc de halles au grain, pendant plus de cent ans.
H. L’hôpital Notre-Dame-de-Pitié (pour mémoire)
L’hôpital Notre-Dame-de-Pitié de Montbron aurait été fondé par Madame de Villechaise en 1650, vraisemblablement après l’abandon de l’aumônerie Notre-Dame-du-Bon-Secours.
Après voir été tenu par Madame de Villechaise, il aurait été confié, vers la fin du XVIIe siècle, aux religieuses de l’Hôtel-Dieu d’Angoulême qui l’auraient ensuite remis, trente ans plus tard, vers 1720, à celles de l’hôpital de La Rochefoucauld. Une nouvelle communauté Sainte-Marthe, dans l’hôpital de Notre-Dame-de-Pitié de Montbron, aurait été alors créée.
En 1749, l’hôpital, tenant d’un bout au champ de foire était alors composé d’une chapelle dédiée à l’honneur de Notre-Dame-de-Pitié, deux salles, cuisine, trois chambres hautes, deux jardins et grange.